Thursday, April 28, 2005

Constitution européenne et déficit démocratique


C'est fait : le Sénat belge, sans véritable discussion, a adopté cet étrange «traité établissant une Constitution»
Cette nouvelle Constitution prend le pas sur l’ancienne sans que la règle constitutionnelle belge de modification de la Constitution n’ait, ni de près ni de loin, été respectée
Plus d'informations

Comment expliquer cet acte de démission de la part de nos élus?

En tout cas, cette démission est d'autant plus grave que celui-ci «n'est pas un traité comme un autre, il ne peut être en aucune mesure comparé aux précédents (Nice, Amsterdam, Maastricht...). Déjà le titre même de ce texte est est une absurdité sémantique qui relève d'une supercherie à l'égard des peuples (=«Traité établissant une Constitution»). En effet, ce texte ratifié comme un traité ordinaire aura valeur juridique et symbolique de «Constitution suprême» : non seulement le texte en lui-même sera supérieur à toutes les Constitutions et lois nationales mais en plus il impose le fait que tout acte européen contraignant, comme un règlement ou une décision, soit supérieur à toute source juridique belge ou internationale y compris, à nouveau, nos Constitutions nationales. (...) Il se donne les formes d’un Traité, c’est-à-dire qu’il se pose aussi comme un objet relevant du domaine de la négociation diplomatique intergouvernementale : à ce titre, il sera adopté à une majorité simple dans les assemblées parlementaires belges, sans aucune possibilité d’amendement, donc sans possibilité de proposer une amélioration quelconque. (...) Nous allons avoir une Constitution unique qui impose à durée illimitée, avec une quasi-impossibilité structurelle de réforme, un programme politique (qui par ailleurs est un programme de libéralisation complète des sociétés, c’est-à-dire de désocialisation des patrimoines collectifs : liquidation des services publics et des secteurs économiques publics, rabaissement de la sécurité sociale à une politique charitable d’aide minimale à cause de l’étau du Pacte de stabilité,…) élaboré et institué par la voie diplomatique, donc au-dessus des peuples européens, en enterrant la procédure du mandat électif qui institue une constituante. Cette nouvelle Constitution prend le pas sur l’ancienne sans que la règle constitutionnelle belge de modification de la Constitution n’ait, ni de près ni de loin, été respectée. Déni du suffrage universel (imposition à durée illimitée d’un programme politique, parlements belges rabaissés à des chambres d’entérinement), déni du fondement de l’ancien ordre constitutionnel, fondé sur l’exercice de la souveraineté du peuple qui mandate, à travers des procédures spéciales, des élus constituants, dès qu’il s’agit de changer ne fut-ce qu’une virgule à la constitution. Or avec le traité constitutionnel européen, nous changeons à la fois le statut, la nature et le contenu en entier de la Constitution belge (devenant subordonnée à une autre, elle ne peut plus être lue et interprétée de la même manière). (...) Mais ce n’est pas tout, ce texte impose une révision radicale de ce qu’est un pouvoir politique, en niant tous les éléments qui avaient permis en 250 ans, depuis Montesquieu, de construire progressivement des barrières contre le pouvoir absolu et arbitraire. Nous sommes face à une entreprise de restauration d’une structure de pouvoir plus proche de l’Ancien régime que des États modernes.
Corinne Gobin, politologue à l'ULB.
Des extraits de ce texte, certains modifiés par la rédaction, sont parus dans le quotidien "Le Soir" (Carte Blanche, 28/04/2005).



La ratification de la Constitution européenne ne méritait-elle pas un réel débat au Parlement?

Date: Mercr, 27 Avr 2005 14:34:08 +0200
Objet: Ligue des droits de l'homme
De: Christine Pagnoulle <cpagnoulle@ulg.ac.be>

27 avril 2005 - Communiqué de presse
La ratification de la Constitution européenne ne mériterait-elle pas un réel débat au Parlement?

Le Sénat ratifiera jeudi le projet de traité européen établissant la constitution en séance plénière… sans qu'aucun débat sérieux n'ait eu lieu. Une situation intolérable en démocratie, et ce d'autant plus pour un texte qui a été négocié loin des Parlements nationaux.

Le projet de traité européen établissant Constitution est un document important. En effet, le contenu de ce texte hybride mais fondateur conditionnera la politique belge pour les décennies à venir. C'est dire si la politique européenne - et le texte qui en constituera les fondements - concerne plus que jamais chaque citoyen au premier chef.

Pourtant, alors qu'aucun débat suffisamment approfondi n'a été mené vu le délai record dans lequel ce texte est soumis au Sénat et que le rapport des travaux de la commission n'a toujours pas été rendu public, les parlementaires pourraient bien ratifier le projet de traité ce jeudi. Cela ressemble fort à une confiscation de débat.

Pour la Ligue des droits de l'Homme, il est incompréhensible et intolérable que notre Parlement ratifie dans l'urgence un texte aussi fondamental que ce traité établissant la Constitution européenne. Une telle question mérite un débat approfondi et une appropriation citoyenne des enjeux et des tenants et aboutissants de ce texte. Et ce d'autant plus que l'on entend les pays voisins échanger avec vigueur les arguments pour ou contre une ratification du traité.

Rien ne justifie l'urgence selon nous, sauf à entériner un déficit démocratique que l'on reproche déjà systématiquement aux institutions européennes.

La Ligue des droits de l'Homme appelle les sénateurs à ne pas voter ce texte dans l'urgence et à postposer cette éventuelle ratification afin qu'un réel débat puisse avoir lieu, impliquant les citoyens et la société civile ou, au minimum, leurs représentants.

Dan van Raemdonck,
Président de la Ligue des droits de l'Homme : 0478.29.64.28.





La presse : manipulée ou consentante?

En France, c’est parti ! Avec les énormes moyens dont il dispose, le bulldozer du «oui» est en marche. Déjà la machine gouvernementale, disposant de tous les moyens de État, se met en ordre de bataille, le président de la République ayant demandé à tous les ministres du gouvernement Raffarin de «s’impliquer personnellement» dans la campagne du référendum. La Commission européenne n’est pas en reste, et va puiser abondamment dans les fonds communautaires pour une opération de «communication» (traduire : «propagande») en faveur de la ratification de la «Constitution».
Les principaux partis, unis pour la circonstance en un Parti du OUI et cela qu’ils se réclament de la gauche, du centre ou de la droite, vont accaparer tout l’espace médiatique.

De sous-entendus partisans en éditos propagandistes, les grands médias militent pour le «oui» au référendum du 29 mai. Quitte à dresser un portrait désastreux des partisans du «non», qu’ils ne rêvent que d’éduquer. En agitant l’argument de la peur, ils ne favorisent ni le débat ni le pluralisme.
Alors que personne ne peut nier la progression du NON dans l’opinion ni exclure qu’il reste majoritaire, les émissions de radio et de télévision, comme nombre d’organes de la presse écrite, privilégient de manière scandaleuse les représentants des courants de pensée favorables au OUI.
Le déséquilibre est flagrant. Le journal Les Échos, par exemple, du 17 au 23 février, a publié 23 articles, brèves, entrefilets, chroniques relatifs au référendum. Le "oui" a été mentionné 18 fois (78 %). Le "non" est systématiquement traité à partir du camp du "oui" ; il est présenté comme un risque ; il serait négatif et tournerait le dos à l’Europe ; il est associé à la "grogne sociale". Quand il est mentionné, il est quasiment toujours représenté par le "non" de droite ou d’extrême droite.
Le journal Le Figaro, pendant la même période, n’a mentionné qu’une fois le "non", représenté par Charles Pasqua.
L’émission "Question directe", sur France Inter, depuis septembre 2004, a invité 16 fois le Parti socialiste (dont 4 membres favorables au "non") ; 15 fois l’UMP ; 6 fois l’UDF ; 2 fois le PCF ; 1 fois les Verts (dont le représentant était favorable au "oui") ; 1 fois Philippe de Villiers. Au total : 34 personnalités favorables au "oui" et 6 favorables au "non".
L’émission "Respublica", sur France Inter, depuis mai 2004, a invité 9 fois le PS (dont 2 représentants favorables au "non") ; 11 fois l’UMP ; 3 fois l’UDF ; 2 fois le PCF ; 3 fois les Verts (tous les représentants étaient favorables au "oui") ; 1 fois le MRC ; 1 fois la LCR. Au total : 24 personnalités favorables au "oui" et 7 favorables au "non".
Ces quelques exemples témoignent d’une parodie de débat démocratique et d’un mépris affiché des millions d’électrices et d’électeurs qui ont ou vont décider de voter pour le "non", qui sera peut-être le choix de la France.

Ainsi, le Syndicat National des Journalistes (SNJ), dans la résolution adoptée par son Comité national le 16 avril 2005, «déplore l’inégalité de traitement observée entre les partisans du "oui" et ceux du "non", et appelle tous les journalistes à veiller à un traitement honnête, complet et pluraliste de l’information.




Lire :
Sur le site d'ACRIMED (Action Critique Médias) :
Manifestation le 9 mai 2005 : Constitution européenne : Où est le débat dans les médias?
Sur le site de l'OFM (Observatoire Français des Médias) :
Europe : Traitement médiatique du référendum au sujet du TCE






La seule réponse du démocrate au projet de traité constitutionnel est de dire NON !

par Corinne Gobin(*), professeur de sciences politiques à l’Université Libre de Bruxelles

Les forces progressistes en Europe, dont certains syndicats, soutiennent le projet de «traité constitutionnel» parce qu'elles en sous-estiment complètement la signification politique, la force juridique et l'impact symbolique. Elles n’ont pas compris ce qui, fondamentalement, était en jeu. La confrontation entre «nationalistes» et «européanistes» n'est en fait que très marginale. Nous sommes plongés au cœur d'une confrontation pour définir ce qu'est une société et ce qu'est un pouvoir politique. Les réponses apportées par le projet de traité forment un arsenal redoutable pour imposer à l'échelle du continent, pour une durée illimitée, un déni du contrôle démocratique et du suffrage universel, la négation du droit des peuples à l'autodétermination. Ce texte constitue une contre-démocratie.
Lire la suite

(*) Corinne Gobin est directrice du Groupe de recherche sur les acteurs internationaux et leurs discours (GRAID) à l'Institut de sociologie de l'Université Libre de Bruxelles.







Attac Wallonie-Bruxelles :
Constitution européenne : pas de ratification en catimini
Carte Blanche, Le Soir 28/04/2005

Les élus démocratiques et les médias belges vont-ils laisser ratifier sans débats le traité sur la "Constitution européenne"? Dans Le Soir du jeudi 14 avril, c'est une simple brève qui l'annonce : "Constitution : pas de débat au Sénat belge".

Nos représentants se rendent-ils bien compte qu'il s'agit d'adopter un texte qui aura valeur constitutionnelle pour toute l'Europe? Qui plus est un texte fouillé (350 pages), qui détaille toute une série de politiques à mettre en œuvre. C'est-à-dire des choix qui normalement font l'objet de votes et d'élections régulières. Voilà un choix fondamental pour lequel on nous a promis des débats et des informations… et qui est le grand absent du débat public.

Lire la suite sur le site du cercle étudiant Attac-ULg :
http://attac-ulg.fede-ulg.org/CarteBlanche.php





Face aux énormes moyens du Parti du oui
Attac-France lance un appel à souscription

•Afin de financer la venue en France des volontaires européens d’Attac qui soutiennent notre campagne pour le non
•Afin de faciliter la participation en nombre des militants d’Attac de plusieurs pays d’Europe à la rencontre du 30 avril à Paris

Lire la suite



Que faire en cas de la victoire du NON?

Plusieurs articles




Réflexions d'un citoyen qui a changé d'avis

Il y a six mois, en septembre 2004, j’étais, comme tout le monde, favorable à ce texte sans l’avoir lu, par principe, "pour avancer", même si je savais bien que les institutions étaient très imparfaites. Je ne voulais pas être de ceux qui freinent l’Europe. Je crois vraiment que l’immense majorité des Européens, au-delà des clivages gauche/droite, aiment cette belle idée d’une Europe unie, plus fraternelle, plus forte. C’est un rêve de paix, consensuel, très majoritaire.
Je n’avais pas lu le texte et je n’avais absolument pas le temps : trop de travail… Et puis l’Europe c’est loin, et puis avec tous ces hommes politiques, je me sentais protégé par le nombre : en cas de dérive, il allait bien y en avoir quelques-uns pour nous défendre… et je me dispensais de "faire de la politique", c’est-à-dire que je me dispensais de m’occuper de mes propres affaires.
Déjà des appels s’élevaient contre le traité, mais ils venaient des extrêmes de l’échiquier politique et pour cette simple raison, je ne commençais même pas à lire leurs arguments, restant en confiance dans le flot de l’avis du plus grand nombre sans vérifier par moi-même la force des idées en présence.
Et puis soudain, des appels sont venus de personnes non suspectes d’être antieuropéennes. J’ai alors lu leurs appels...
Lire la suite